Lancement de l’observatoire participatif de la vulnérabilité à l’érosion des côtes d’Anjouan et de Mohéli

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Lors de son séjour aux Comores en Aout 2021, l'équipe DiDEM - îles et archipels - Comores a posé les premiers jalons de l'observatoire de la vulnérabilité à l'érosion des côtes, à Anjouan et à Mohéli. 

Objectifs de l'observatoire 

Il s’agit de former à Anjouan et à Mohéli, notamment dans les deux parcs nationaux de ces îles, des praticiens du topomètre afin qu’ils puissent effectuer des profils de plage à intervalles réguliers : deux fois par an à la même période afin d’intégrer les variations saisonnières et après des épisodes exceptionnels comme les cyclones, les pluies diluviennes et autres forçages météo-marin exceptionnels.

Dans un second temps, il s’agit de former ces praticiens à la construction d’une base de données et à l’analyse de celle-ci à partir du logiciel PROFILER (pour excel) afin de construire des séries de données sur le moyen et long terme de l’évolution du trait de côte de Mohéli et d’Anjouan.

Objectifs de la mission de lancement

  • mettre en place des bornes de références sur les six plages suivies dans le cadre de la première année de l’observatoire (trois proches de Bimbini et trois de Nioumachoi).
  • dresser un modèle topographique des six plages suivies grâce au DGPS
  • lever 18 profils de plage (trois pour chacune des six plages suivies) 
  • former les écogardes à l’utilisation du topomètre pour qu’ils puissent effectuer le suivi des plages dans les prochains mois 
  • commencer à organiser la gouvernance de l’observatoire en discutant avec les parcs nationaux de Mohéli, Shisiwani de deux points clefs : l’analyse des données et leur bancarisation pour qu’elles puissent être utilisées dans la décision et la gestion environnementale

Partenaires

Direction de l’Environnement/Gouvernorat d’Anjouan, Direction de l’Environnement de Mohéli, Parc national de Shishiwani (Anjouan), Parc national de Mohéli, Université des Comores, Centre Universitaire de Patsy à Anjouan


Equipe

Matthieu Le Duff, MCF de géographie au Centre Universitaire de Mayotte, expert de la pratique du topomètre ;

Yann Mercky, Assistant ingénieur en étude d'environnement géonaturel et antrophisé, Centre Universitaire de Mayotte

Nourddine Mirhani, ancien enseignant de géographie au Centre Universitaire de Patsy à Anjouan, qui sera le formateur des agents de terrain à Anjouan et à Mohéli ;

Gilbert David, directeur de recherche à l’IRD et ancien directeur de la thèse de K. Sinane.



Contexte et problématique

 Comme l’ensemble des îles hautes de la planète disposant d’une plaine côtière où se concentrent les activités économiques et l’habitat, l’archipel des Comores est hautement vulnérable à l’élévation du niveau marin qu’engendre le changement climatique. Depuis 40 ans, les plages des Comores se sont singulièrement amaigries, comme l’attestent l’examen des photographies aériennes et anciennes cartes IGN et les observations de terrain effectuées ces dernières années (Sinane, 2013).

Deux causes peuvent expliquer cet amaigrissement.

  • prélèvements de sable et de sédiments plus grossiers sur les plages
  • une mauvaise connectivité entre les trois compartiments sédimentaires composant toute plage : l’avant plage, située en deçà de la zone de balancement des marées ; la plage proprement dite, tout entière située dans la zone intertidale ; le haut de plage correspondant au stock sédimentaire accumulé lors des tempêtes et des marées de vives eaux à la limite supérieure de la plage.

La thèse de K. Sinane (2013) a montré le rôle majeur des prélèvements de sable à Anjouan comme facteur aggravant la vulnérabilité du littoral à l’impact érosif des vagues et houle de tempête mais aussi comme ressource économique pour de nombreux acteurs du littoral. L’emploi du sable d’origine volcanique, issu du concassage de la pouzzolane, constitue une alternative à l’usage du sable de plage pour l’auto-construction des habitations et le secteur du BTP, mais trois contraintes pèsent sur cette activité :

  • ce matériau est plus cher à produire que le sable de plage en raison du coût des opérations de concassage et de tamisage
  • sa production est « centralisée », elle se limite à quelques sites et nécessite une logistique de transport nettement plus coûteuse que la production « décentralisée » de sable de plage
  • si la pouzzolane abonde en Grande-Comore en raison de l’activité volcanique du Karthala, les sites exploitables sont rares à Anjouan et encore plus à Mohéli. Dans cette dernière île, l’érosion du littoral est également un problème majeur comme le rapporte A. Lassi (2018) pour la zone côtière de Nioumachoa

Sinane et al, (2010) et Sinane (2013) ont montré que les profils de plage constituent un bon moyen pour suivre l’évolution de l’érosion du trait de côte et que le topomètre présente un bon compromis entre la robustesse de la mesure, son coût et la facilité d’utilisation de l’appareil de mesure.

S’inspirant des méthodes d’Emery (1961), le topomètre a été développé à la Réunion (Troadec, 2002, 2003 ; Cordier, 2007), il a également été utilisé avec succès en Nouvelle-Calédonie (Le Duff, 2018) et dans le cadre du programme de recherche COSACO à Dunkerque. L’information produite est de moins bonne qualité que celle produite par le GPS différentiel (DGPS) ou le scanner laser terrestre (TLS) (Mahabot, 2016), mais l’apprentissage de son emploi se fait en quelques heures.

Le topomètre est donc un bon outil pour réaliser des profils topographiques des plages de manière participative, qui seront autant de preuves de l’érosion à venir du trait de côte. C’est également une démarche méthodologique qui s’inscrit parfaitement dans les protocoles mis en avant par l’UNESCO (2007) en matière d’outil pédagogique et de sensibilisation à l’érosion côtière. Une plage en bon état de fonctionnement avec une bonne connectivité entre ces trois compartiments est en effet le meilleur moyen de réduire la vulnérabilité des littoraux sédimentaires à l’érosion des vagues et de la houle.

La mise en protection sous la forme d’aires marines protégées (AMP) d’une partie des eaux côtières de Mohéli et d’Anjouan pourrait constituer un cadre institutionnel favorable à la réduction de la vulnérabilité du littoral à l’érosion côtière[1] en interdisant ou en contrôlant sévèrement les prélèvements de sable sur les plages. Encore faut-il que les gestionnaires des AMP d’Anjouan et de Mohéli puissent disposer des outils et méthodes permettant de suivre la dynamique morpho-sédimentaire et d’évaluer ainsi l’évolution de l’érosion sur les littoraux dont ils ont la charge.


[1] L’érosion côtière entraine chaque année la perte des terrains agricoles et la destruction des routes en corniche et des digues de protection.

Financement

Cet observatoire bénéficie pour cette première phase (2021) d’un financement du FSPI Economie bleue. Ce FSPI (Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain) du Ministère des affaires européennes et étrangères français vise à sensibiliser les populations de la région Océan Indien Occidental au rôle et à l’importance de l’économie bleue dans leur quotidien et à promouvoir une gestion durable des ressources halieutiques, tout en assurant la protection de la biodiversité et des espaces marins et littoraux.

Dans sa seconde phase, l’observatoire sera financé par DIDEM, l’objectif final étant qu’à la fin du projet les partenaires comoriens aient une totale autonomie en ce qui concerne les observations et leur analyse des profils de plage.

Références bibliographiques


Cordier, E. (2007) Dynamique hydrosédimentaire du récif frangeant de l’Hermitage/La Saline (La Réunion): Processus physiques et flux sédimentaires. Université de Provence., thèse de doctorat de géologie.

Emery, K. O. (1961) « A simple method of measuring beach profiles ». Limnology and oceanography, vol. 6, n°1, p. 90–93.

Lassi A. (2018). Le sud-est de l’île de Mohéli aux Comores, un littoral fragile, le cas de Nioumachoi. Université d’Antananarivo, master de géographie, parcours Milieux naturels et sciences de la terre.

Le Duff M. (2018). Les risques naturels côtiers en Nouvelle-Calédonie : contribution pour une gestion intégrée : De la caractérisation du risque à la participation citoyenne, quelques perspectives pour la prévention des risques aux îles Loyauté. Université de Nouvelle-Calédonie, thèse de doctorat géographie.

Mahabot, M.M (2016). Suivi morphodynamique des plages récifales de La Réunion en contexte d’observatoire. Université de la Réunion, thèse de doctorat de géographie.

Sinane, K. (2013). Les littoraux des Comores, dynamique d'un système anthropisé : le cas de l'île d'Anjouan. Université de la Réunion/IRD, thèse de doctorat de géographie.

Sinane K, David G., Pennober G., Troadec R. (2010). « Fragilisation et modification des formations littorales meubles sur l’île d’Anjouan (Comores) : Quand l’érosion d'origine anthropique se conjugue au changement climatique », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 10 Numéro 3 | décembre 2010, mis en ligne le 20 décembre 2010.

Thomassin A. (2011) "Des réserves sous réserve" : acceptation sociale des Aires Marines Protégées : l'exemple de la région sud-ouest de l'océan Indien. Université de La Réunion/IRD, thèse de géographie.

Troadec, R. (2002) Suivi de l’évolution du profil des plages coralliennes de la Réunion 1998-2001 (Rapport Interne). Laboratoire Géoscience Réunion.

Troadec, R. (2003) Analyse de la prise en considération du phénomène d’érosion affectant les plages coralliennes à La Réunion (Rapport Interne) (p. 23). Université de La Réunion.

UNESCO (2007) Introduction à SANDWATCH: surveillance des plages: outil pédagogique pour un développement durable, Dossiers régions côtières et petites îles, 91 pages.